Contemplation transformante

Contempler le temps dans cinq dimensions

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Nous avons entrepris une vaste contemplation de la structuration de l’être.  Pour cela, nous avons d’abord effectué une rapide descente dans les divers niveaux de structuration.  Puis, nous avons effectué une première remontée: une remontée dans le temps présent. Nous avons ainsi, tour à tour, contempler la structuration atomique, la structuration moléculaire, la structuration macro-moléculaire de la matière visible et enfin la structuration cellulaire.

Nous allons bientôt entreprendre une 2e remontée. Cette fois, ce sera la remontée dans le temps, dans la trame du temps, dans le cours de l’histoire. Nous regarderons et contemplerons comment toute cette merveilleuse structuration de l’être que je suis serait « apparue » au cours du déploiement de l’histoire, du dévoilement du temps.  Ce sera une contemplation encore plus merveilleuse que la précédente. Mais auparavant, je dois faire deux préambules importants, qui nous permettront de mieux apprécier cette contemplation.

Comme premier préambule, et objet du présent article, je vous propose une contemplation du temps.  Car le temps est une réalité à la fois bien concrète, et bien mystérieuse.  Nous l’avons ou il nous manque, dépendant de notre situation. Mais nul ne peut l’acheter. Il est là. Il passe. Il s’offre à nous gratuitement.

Prenons donc le temps (!!) de contempler le temps dans cinq dimensions.  Il y en a infiniment plus, cela va sans dire.  Nous contemplerons donc successivement :

  • Le temps qui passe
  • Le temps qui survient
  • Le temps favorable
  • Le temps qui s’écoule
  • Le temps qui s’accumule

Le temps qui passe

Les deux premières dimensions sont directement liées à deux mots grecs qui expriment le temps : le chronos et le kairos.

Le chronos, c’est le temps qui passe.  Ce sont les événements dont nous pouvons écrire la chronologie.  C’est le temps que l’on mesure avec un chronomètre.

Le temps passe et les événements se succèdent les uns aux autres. Ils s’enchaînent les uns autres. Ils sont inévitablement liés les uns aux autres.  Ce qui arrive aujourd’hui est la suite « logique », en partie prévisible, de ce qui est arrivé hier.  Ces événements sont entièrement liés. Aucun événement du temps qui passe n’est isolé. Il y a une explication à ce qui arrive.  Et on peut aussi, en partie, en prévoir la suite.

Le temps qui passe semble caractérisé par une certaine régularité. Le tic tac de l’horloge est en le signe sensible. La vitesse de la lumière en marque la constance.  Pourtant, tous les vieux affirment que le temps va beaucoup plus vite à mesure que nous avançons en âge. Et notre époque est caractérisé par une course, par une accélération des choses et du temps. Il nous faut donc envisager d’autres dimensions du temps.

Le temps qui survient

Le kairos, c’est le temps qui survient. Je ne connais pas de mot français qui soit inspiré de cette origine grecque. Mais on pourrait y rapprocher l’anglicisme « timing ». il y a un « timing ».  Il y a un moment précis où c’est le temps d’agir.  Il y a des événements qui « surviennent », de manière inattendue, pour le meilleur ou pour le pire. Bien que le mot kairos désigne en général le meilleur. « Il n’y a pas lieu de dire : « Ceci est pire que cela », car toute chose sera appréciée en son temps » (kairos) (Si 39, 34).

Le temps qui survient peut correspondre à une coïncidence, à la rencontre de plusieurs lignées de temps-chronos, un « alignement des étoiles ».  Mais souvent aussi, il y a un surgissement dont l’origine semble au-delà du temps et de l’espace. Pourquoi cela arrive-t-il à ce moment-ci ? Comment cela a-t-il bien pu arriver ?

Quelque chose échappe indéniablement à la suite logique et quelque peu banale du temps qui passe. Quelque chose nous garde en état d’alerte, attentif au moment opportun. On y associe une part de hasard et de chance, ou de malchance.  Et cela ouvre un nouvel espace dans le temps, espace qui peut durer quelque temps.

Le temps favorable

C’est le temps favorable. Ce temps se retrouve un peu au croisement des deux précédents. C’est un kairos qui s’étire dans le chronos. Le temps favorable commence avec un kairos et dure tant que persiste l’effet provoqué par ce kairos. Les astres sont alignés pendant un certain temps.

Le temps favorable, c’est une fenêtre qui s’ouvre dans le temps pour rendre possible une action. C’est une saison propice qui dure un certain temps. Avant, il serait trop tôt. Après, il sera trop tard. Parfois, on le voit venir et on s’y prépare : le chronos est plus grand que le kairos. C’est la période des sucres, la saison des semailles, la période de la vie où une femme peut avoir des enfants. Parfois, il nous surprend tout-à-fait : le kairos est alors plus grand que le chronos. C’est une opportunité inattendue, voire inespérée.  À l’intérieur même du temps favorable attendu, il y aura des temps plus favorables inattendus.  Pour les sucres et les semailles, ce sera la température; pour la femme qui enfante, tant et tant de causes entrent en jeu.

Ici apparaît bien sûr la question des « cycles du temps ».  Nous aborderons brièvement cette question en conclusion de cette contemplation.

Le temps favorable se situe aussi au croisement de la matérialité et de la non matérialité du temps et de l’espace.  Car qu’est-ce que « le temps favorable » ? À quoi et à qui est-il favorable ? Pourquoi et en vue de quoi est-il favorable ? « Il y a un moment pour tout, et un temps pour chaque chose sous le ciel » dit l’Ecclésiaste (Qo 3, 1). Par-delà la matière et l’espace, le temps est aussi en lien avec le sens et l’esprit. Cette contemplation nous invite à reconnaître l’esprit du temps et le sens de l’histoire. Cela sera important lorsque nous aborderons la question de « l’évolution ». Peut-être aborderons-nous également la questions des « révolutions ».

Le temps qui s’écoule

Le temps qui s’écoule est, évidemment, celui du sablier. Le sable coule et le temps s’écoule. C’est ainsi que l’on mesure bien des activités.  Une partie de hockey est composée de trois périodes de 20 minutes. Le temps n’y est pas calculé de 0 à 20 mais de 20 à 0. Et plus encore lorsqu’un joueur prend un « 2 minutes de pénalité ». On compte le temps qui reste et on écoule ce temps.

Le temps qui s’écoule exerce une pression sur le temps présent. Je dois remettre ce travail d’université vendredi et il ne me reste que deux jours pour le faire.  Le temps qui s’écoule donne de la valeur au temps présent. Il ne reste plus qu’une semaine avant les vacances d’été, ou plus que six mois avant la retraite, six mois à attendre.

Bien mystérieux ce phénomène où on place une borne dans un futur qui n’existe pas et on calcule le temps à partir de ce futur projeté.  Sur mon cellulaire, il y a un chronomètre et un minuteur. Le chronomètre compte le temps qui passe, nous l’avons vu. Le minuteur compte le temps qui s’écoule, à reculons. Cela peut rejoindre une des célèbres questions de l’astrophysicien Stephen Hawking : « pourquoi le temps avance-t-il toujours et ne recule jamais ? »  La première fois que j’ai lu cette question, je la trouvais insignifiante et bête. En fait, elle n’est pas si bête que ça, pas bête du tout même. Nous y reviendrons.

Parfois, la borne est placée dans un futur précis : telle jour, telle date, telle heure. Parfois, elle est placée dans un futur inconnu. C’est le cas, bien sûr, de notre mort.  Même si nous calculons notre âge en allant de la naissance à la mort, nous vivons souvent notre vie dans l’autre sens, à partir du temps qui reste. Car même si je ne connais pas le jour de ma mort, il est clair qu’il me reste moins de temps aujourd’hui qu’hier. Moins de temps pour réaliser mes rêves, moins de temps pour vivre ceci ou cela.  Et lorsque notre regard se porte sur cet échéance inévitable, nous y voyons en général l’affaiblissement du vieillissement. Pourtant, il y a une croissance constante de la vie. Je suis, normalement, plus sage, plus instruit, plus vertueux aujourd’hui que je l’étais hier.  Notre vie nous conduit vers un certain accomplissement, un certain perfectionnement. Et la mort, en quelque sorte, nous prendra toujours à un sommet de notre vie.

Cela est plus vrai encore à l’échelle cosmique de l’univers. La science moderne nous dit avec une assurance tranquille que notre univers s’en va vers la mort : la « mort thermique de l’univers ». Cette mort est même assez prévisible et pourrait presque être datée. Pourtant, alors que l’univers s’en va vers la mort, l’évolution conduit vers un accomplissement et un perfectionnement des êtres.  Et en quelque sorte, la mort thermique devrait prendre le cosmos au sommet de son développement.  C’est ce qui amenait le logicien et mathématicien Kurt Gödel à affirmer que l’immortalité de l’âme est une croyance « logique ».  Car le temps qui s’écoule ne le fait qu’en correspondance au temps qui s’accumule.

Le temps qui s’accumule

C’est l’autre côté du sablier.  Si le sable s’écoule de la partie élevée, il s’accumule dans la partie basse. Rien ne se perd, rien ne se crée.  Ainsi en est-il du temps. Si on peut fixer déjà le terme de « la mort thermique de l’univers », alors le temps ne fait que passer entre deux bornes déjà déterminées. Et comme seul le moment présent existe réellement, alors ce moment présent accumule nécessairement tout ce qui l’a précédé et porte en lui tout ce qui viendra.

Le temps qui s’accumule accumule en lui-même le temps qui passe, le temps qui survient, le temps qui dure et le temps qui s’écoule.

Le bas de sablier accumule tous les grains de sable qui sont passés et se sont écoulés. Les rochers érodés par les vagues accumulent tout ce que le temps y a gravé.  Notre planète « apparu » il y a 4 milliards d’années (nous y reviendrons dans une prochaine contemplation), a pu apparaître par l’accumulation de tout ce qui l’a précédé, depuis la formation des premiers atomes, des premières molécules, des premiers agrégats, avec la perte de chaleur, le mouvement de rotation, etc.

La première cellule vivante est le résultat de l’accumulation d’activités de milliards d’années. Et l’être que je suis, dans mon corps, dans ma pensée, dans ma mémoire, dans mon esprit, accumule toute une histoire dont il nous faudra bientôt parler.

Et dans cet être si étonnant qu’est l’être humain, il y a, en quelque sorte, la possibilité de changer le passé ! Car s’il est vrai que le passé influence notre présent, ce qui est toute la thèse de la psychologie, il est vrai aussi que notre présent influence l’influence que le passé exerce sur notre présent !! Et l’expérience spirituelle la plus authentique va puiser là sa raison d’exister.

Et dans cet échange étonnant, le temps qui s’accumule devient lieu de rencontre avec l’éternel présent de ce temps qui, finalement, passe peut-être moins qu’il n’y paraît.  Il est donc temps de contempler comment l’accumulation du temps a conduit au surgissement « kairosique » de cette humanité encore en quête d’elle-même.  Mais, auparavant, disons encore un mot sur « les cycles du temps ».

Les cycles du temps

Certaines personnes croient que le temps est cyclique. Pour ma part, je crois que le temps est linéaire, impitoyablement linéaire. Il va d’un commencement vers la fin, de la naissance à la mort, d’une origine à une destinée. Il est donc traversé par un sens et une direction.  Mais, bien évidemment, ce temps linéaire dans son ensemble est marqué par une multitudes de « cycles du temps ». Il vaut la peine de s’arrêter pour en contempler quelques-uns.

Les rotations et révolutions

Les cycles du temps les plus connus et les plus utiles sont les rotations et les révolutions. C’est à partir d’eux que nous comptons le temps. La rotation de la terre sur elle-même détermine les jours, la révolution de la lune autour de la terre marque les mois et la révolution de la terre autour du soleil détermine les années. Quand on s’y arrête, c’est bien mystérieux tout cela. Aujourd’hui, ces cycles sont associés à des mouvements astronomiques précis mais, pendant des siècles et des millénaires, l’homme ne faisait que les constater, sans en connaître la cause précise.  Au livre de la Genèse, on met dans la bouche de Dieu ces mots : « ils serviront de signes pour marquer les jours et les années » (Gn 1, 14).

Le jour et la nuit. Notre vie est tout entière marquée par ce cycle si constant, si régulier. Le plus souvent, on travaille le jour, on dort la nuit. Il y a des exceptions. La nuit est faite pour dormir. Nous avons besoin de ce repos. Il y a un lien de vie entre nous et ce cycle du temps, entre nous et cette rotation de la terre sur elle-même.  Nous ne pouvons pas, arbitrairement, repenser notre vie en tranches de 30 heures. Nous nous adaptons à cette règle qui nous vient de l’extérieur, qui nous est imposée et qui, à tout bien y penser, est bonne.

Le cycle lunaire est plus complexe. Il marque les mois, mais de manière pas tout à fait régulière. La révolution de la lune autour de la terre ne dure pas exactement 28 rotations de la terre sur elle-même. Nos 12 mois de l’année ne correspondent pas exactement à 12 révolutions de la lune.  Mais notre vie est solidement liée à cette révolution par le cycle des semaines : nos semaines de 7 jours correspondent au quart du cycle lunaire, au passage des « quartiers » de lune.  Sept jours dans une semaine, et cela depuis « la nuit des temps », depuis « des lunes ».  Ce rythme cyclique-cosmique qui donne une solennité à notre vie mériterait d’être redécouvert dans toute sa densité.

Et les années. Ah ! Les années qui s’accumulent. Pourquoi donc compter les âges de nos vies à partir de la révolution de la terre autour du soleil ? Quel lien y a-t-il ? Un lien de solidité. Devant la vacuité de la vie, il faut bien s’attacher à quelque chose de solide. Beau temps, mauvais temps, le cycle des années est là.

Et les saisons aussi. Elles sont, elles aussi, déterminées par la révolution de la terre autour du soleil. Comme elles sont belles les 4 saisons de nos pays nordiques tempérés. Elles marquent notre vie. Elles la rendent moins monotones. Elles lui donnent un rythme, un rythme annuel, saisonnier. Chaque saison modifie nos habitudes et nos attitudes. Et là encore, nous nous adaptons aux saisons, à la nature. On peut bien « aller dans le sud » pour fuir l’hiver. On peut bien faire du vélo stationnaire pour étirer la saison.  Mais au fond…

Les cycles vitaux

Aux cycles des rotations et révolutions se superposent les cycles vitaux.  Plusieurs y sont liés, d’autres semblent indépendants.

Le premier cycle vital est celui « de la vie ». Les animaux, en général, donnent vie selon un cycle annuel.  Quelque part au printemps, à la fin de l’hiver ou au début de l’été, selon le temps qu’il faudra pour conduire les petits à une certaine maturité.  À partir de ce temps « prévu » pour la naissance, on recule d’une période de gestation pour trouver le moment favorable au « temps des amours ». Et voilà : le cycle de la vie est établi. Il est instinctivement suivi. Les chevreuils donnent naissance en leur temps, et les hirondelles construisent leur nid en leur temps.

Qu’en est-il de l’être humain ? Constatons d’abord que le cycle ovulaire se rapproche étrangement du cycle lunaire : plus ou moins 28 jours. Simple coïncidence ? Ce cycle lunaire fait en sorte que l’homme peut donner naissance à n’importe quelle période de l’année. Heureusement ! S’il fallait que toutes les femmes accouchent en même temps… Qu’en est-il du « temps des amours » ? Ce cycle ovulaire-lunaire de la femme rencontre le cycle « permanent » de l’homme en un croisement pas toujours simple à vivre. Ce sera un sujet à aborder dans un autre temps.

Pour faire plaisir à mon ami Paul Bouchard, mentionnons que ces deux cycles du temps correspondent, grosso modo, aux deux « substances » qui forment la réalité : la substance matérielle, avec ses rotations et révolutions, et la substance vivante avec les cycles de vie.  Ils interagissent et il faudra toujours considérer les deux pour un vivre harmonieux sur cette terre.

Nous pourrions encore aborder différents cycles du temps comme les cercles infernaux (ou cercles vicieux) et les mouvements pendulaires (ou mouvements de retour).  Mais, pour la contemplation qui va suivre, disons que cela suffit pour le moment. Peut-être y reviendrons-nous dans un autre temps et un autre volet de ces dialogues et contemplations qui nous transforment.

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