Contemplation transformante

Une halte avec « les nuls »

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Après avoir contemplé l’apparition/formation des atomes, le temps était venu de contempler l’apparition/formation des molécules. Mais au moment de réviser cette partie, je portais deux hésitations. D’une part, les exemples que j’avais commencé à écrire à propos de molécules qui se formaient et de déformaient nécessitaient toujours l’intervention d’un niveau supérieur de structuration. Par exemple, dans la respiration, nous transformons les molécules d’O2 en CO2. Mais, à ce stade-ci de notre réflexion sur la structuration de l’être dans le cours du temps, il n’y a pas de niveau supérieur de structuration. Nous sommes à contempler comment sont apparues ou se sont formées les toutes premières molécules. Ma 2e hésitation concernait la régularité du temps. Les atomes se sont formés sous l’effet du refroidissement interne de l’univers. Mais si les choses se poursuivent de manière régulière, pourquoi « soudainement » une structuration toute nouvelle allait-elle apparaître ?  Ces deux hésitations m’ont amené à retourner faire un peu de lecture.

J’avais sous la main un livre de la collection « les Nuls » : « Le Big Bang pour les nuls », par Blandine Pluchet (Éditions First, 2017). J’y ai découvert des choses super intéressantes.  Je note ici quatre éléments de réflexion qui alimenteront toute notre contemplation à venir.

Anthropomorphisme mythologique et parabolique

Tout d’abord, l’auteur fait appel à un anthropomorphisme fort joli, prêtant aux astres, aux éléments et à l’univers lui-même des sentiments humains inspirants et leur donnant d’accomplir des actes quasi conscients.  Je donne quelques exemples : « Toute son existence, l’Étoile réalise un véritable travail d’artiste : elle crée de nouveaux objets à partir de ceux qui existent déjà dans l’Univers … Sa mort est l’aboutissement de son œuvre » (p. 42) « Ces grosses étoiles sont les plus grandes artistes » (p. 43). « Dans les ateliers des géantes rouges, les noyaux se sentent inspirés : ceux de carbone fusionnent à leur four avec ceux d’hélium, créant les noyaux d’oxygène, composant de l’eau, autre élément indispensable à la vie » (p. 44). « Quand l’Univers invente la catalyse » (p. 46). « L’espace interstellaire est un haut lieu d’expérimentation » (p. 46). « Nous venons d’y observer l’enthousiasme de la matière à s’organiser de manière toujours plus complexe » (p.50).

Toutes ces expressions où on présente les objets comme des artistes qui, dans leur atelier, sont inspirés, créent et expérimentent avec enthousiasme me fait penser aux grands récits mythologiques anciens. Puisque les choses existent et changent, il faut bien que « quelqu’un » y travaille. L’auteur aurait pu écrire tout cela de manière entièrement passive, comme si les choses arrivaient uniquement sous la pression des forces universelles et des lois immuables qui les dirigent.  Mais on sent bien que, quelque part, il doit y avoir quelque chose comme une « volonté » d’agir. On ne peut pas en sortir.  Et on « pense » l’univers à partir de nous-mêmes. C’est ce qui conduit à cet inévitable anthropomorphisme. Car c’est toujours nous-mêmes que nous désirons connaître et comprendre à travers notre compréhension de l’univers et de son fonctionnement.

Cela appelle une 2e perception de cet anthropomorphisme. Je l’appelle « parabolique ».  Nous pouvons projeter sur l’univers nos sentiments humains. Mais, en retour, l’univers nous renvoie à nous-mêmes, il nous parle de ce que nous sommes. Il est vrai que l’étoile est une artiste et sa manière d’être artiste m’aide à comprendre comment moi aussi je peux l’être.  Ainsi, l’affirmation très forte que la mort de l’étoile est son couronnement car, à ce moment, elle lance dans l’univers tout le fruit de son travail, m’apparaît comme une formidable leçon de vie.

Et pour moi qui suis un croyant, lorsque je lis un tel récit, je ne peux que voir Dieu lui-même à l’œuvre. D’une part, c’est Lui l’artiste qui crée avec enthousiasme dans les laboratoires stellaires et galactiques.  D’autre part, c’est Lui qui nous enseigne à travers tout ce langage parabolique. D’ailleurs, Jésus a été un spécialiste des paraboles. Et lorsqu’il parlait en parabole, il ne les « inventait » pas. Il faisait seulement nous inviter à « regarder » et à « contempler » ce message déjà présent dans l’univers.  « Regardez les fleurs des champs… regardez les oiseaux dans le Ciel… regardez la semence qui pousse d’elle-même… ». Regardez et comprenez le message de vie qui vous est partagé par l’auteur de la vie.

La non homogénéité

Au sortir de la « nucléosynthèse primordiale », l’univers apparaît comme un immense nuage d’hydrogène et d’hélium. Ces atomes sont très stables. Et l’expansion de l’univers aurait pu se poursuivre « sans histoire » : les atomes s’éloignant rapidement les uns dans des autres dans un univers de plus en plus froid et vide.  Que va-t-il donc se passer pour que l’histoire advienne et devienne notre histoire ?

« Pour des raisons encore inconnues » (comme j’aime cette expression !), on retrouve dans le vaste nuage universel des « inhomogénéité », des « non-homogénéité ». Le vaste nuage n’est pas homogène.  Et « à cause de cela », les atomes, attirés par la force de gravitation, vont se regrouper en amas galactiques, donnant naissance aux galaxies. À l’intérieur de ces amas galactiques, un autre niveau de « non-homogénéité » va faire en sorte que les atomes vont se regrouper en amas stellaires, donnant naissance aux étoiles.

Ces regroupements vont inverser le processus de refroidissement. Ils vont devenir, à l’intérieur d’un univers de plus en plus froid en vertu de son expansion, des lieux de très haute chaleur, à tel point que cela va détruire la stabilité atomique et rendre possible la fusion des noyaux d’atomes pour former des atomes plus lourds.  C’est ainsi, comme nous l’avons signalé dans le chapitre précédent, que trois noyaux d’He vont se fusionner pour former un noyau de Carbone et qui pourra s’attacher 6 électrons libres croisé « au hasard » de toutes les interactions super actives se produisant dans ce nouveau laboratoire.  L’étoile devient en quelque sorte le lieu d’un nouveau commencement.  Et tous les métaux et matériaux qui se retrouveront plus tard sur notre terre vont s’y former.

Les catalyseurs

En fait, la cosmologie de l’univers nous conduira sans cesse de commencement en commencement. Chaque nouvelle étape manifestera quelque chose d’étonnamment nouveau, de surprenant, de questionnant.  Il en sera ainsi des catalyseurs.  Les catalyseurs sont des objets dont la présence accélère la fabrication des objets de la génération suivante.

Prenons un exemple. Dans les étoiles de première génération, il faut beaucoup de temps et de chance (!) pour que les noyaux d’atomes dénudés d’électrons se rencontrent et s’accoquinent pour former des atomes de Carbone.  Mais une fois ce travail accompli, les étoiles explosent et libèrent « à l’air libre » les atomes créés. La nouvelle génération d’étoiles s’empare de ces atomes de Carbone. Ceux-ci, grâce à leurs « 4 griffes » deviennent des catalyseurs en favorisant le rapprochement des noyaux d’Hydrogène ou d’Hélium.  Dans la nouvelle génération d’étoiles, les atomes lourds vont donc se former beaucoup plus rapidement.  Et c’est ainsi que, tout au long de l’histoire, nous assisterons à une « accélération » de l’histoire difficilement mesurable sur l’échelle du temps mais qui, mystérieusement, nous conduira vers une nouvelle forme de présent éternel.

Les propriétés émergentes

C’est uniquement à partir du moment où elle parle de la formation des molécules que Mme Pluchet abordera ce qu’elle appelle « les propriétés émergentes » (p. 49).  Mais j’aimerais dire déjà quelque mot sur cette réalité merveilleuse qui prendra aussi une grande importance tout au long du déploiement historique de la structuration de l’être.

Contemplons simplement le niveau de la structuration atomique. Les atomes sont formés de protons, de neutrons et d’électrons.  Ce sont les mêmes dans tous les atomes. Cependant, tout dépendant du nombre de protons et d’électrons qui se réunissent, ils développeront des propriétés fort différentes.  Ainsi les propriétés de l’Hélium (formé de 2 protons et 2 électrons) sont bien différentes de celles du Carbone (formé de 6 protons et 6 électrons). Les propriété de l’aluminium (13) sont différentes de celle du fer (26) ou du cuivre (29). Et ainsi de suite. Le tableau périodique nous montre que, à la température ambiante, certains éléments vont se retrouver à l’état gazeux, d’autres à l’état solide et quelques-uns à l’état liquide.  Or, ce sont toujours les mêmes protons, les mêmes neutrons et les mêmes électrons qui forment tous ces atomes si différents.

Il est facile d’entrevoir que, tout au long du développement de la structuration de l’être, les « choses » vont acquérir de nouvelles propriétés au fur et à mesure de leur regroupement. Ces propriétés sont appelées « émergentes » parce qu’elles « émergent ». Elles surgissent, comme de l’intérieur, à partir d’un regroupement particulier. Et chaque niveau de structuration verra « émerger » de nouvelles propriétés, toujours aussi fascinantes les unes que les autres.  Ces propriétés nous échapperont toujours, en quelque sorte, du fait qu’elles sont liées à une association et que seule l’association les rend possible.  Il y a une « nécessité d’association » pour voir « émerger » la croissance et le développement et, si j’ose dire, pour échapper à la désintégration inévitable qui vient de l’usure du temps.  Ny a-t-il pas là matière à contemplation ?

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